Vous êtes nombreux à m’envoyer vos questions via le formulaire de contact du blog, suite à mon passage sur Rue89 ou sur Twitter. Je reçois plusieurs e-mails par semaine, parfois par jour, et je n’ai malheureusement pas le temps d’y répondre systématiquement. Certaines questions reviennent souvent : Quelles études ai-je suivies ? Quelle spécialisation ai-je choisie ? Comment devient-on psy en prison ? Quel est le rôle d’un psychologue en prison ? Je lance donc cette nouvelle rubrique : [Vos questions]

Le Chat de Geluck : je ne suis pas fou

 

“Quelles sont, selon vous, les qualités personnelles nécessaires pour exercer votre métier?” 
(Eileen, étudiante en psychologie à Strasbourg, via Rue89)

J’ai été marqué, au début de ma pratique, par ces deux conseils de Lacan (j’ai oublié où il a dit ça, j’offre un verre à qui le retrouve!):

1) Soyez curieux… 

Pour le  psychologue, contrairement à la maxime, la curiosité n’est pas un vilain défaut!

2) …et ne comprenez pas trop vite! 

Lacan répétait “Si vous avez compris, vous avez sûrement tort!” car, pour lui, on ne comprend jamais que ce qu’on sait déjà. Face aux énigmes de la clinique, croire qu’on a compris, c’est risquer d’y mettre notre sens à nous et donc de boucher l’accès à un sens nouveau, inédit. La position clinique n’est pas celle d’un plus de savoir par rapport au “patient”, d’un savoir sur lui, sur son symptôme ou sur la manière de conduire sa vie. Il s’agit plutôt, pour le clinicien, d’un manque de savoir qui cause un désir d’apprendre quelque chose de la rencontre avec l’autre. J’ai nommé mon blog École du Crime pour mettre l’accent sur cette position d’apprentissage. Pour accueillir le singulier et permettre au sujet qui vient consulter de trouver, créer lui-même sa propre solution, il est donc essentiel d’être ouvert à la surprise, à l’inattendu. Ce qui implique d’avoir pu prendre quelque distance avec ses propres idéaux, a priori, envies thérapeutiques, idées reçues… mais aussi avec ceux de la société, de l’institution dans laquelle on travaille, et ceux de la psychologie elle-même (des idéaux bien souvent normalisants/moralisants). Ce processus de déprise des idéaux et du sens commun est d’ailleurs un des effets que l’on peut attendre d’une psychanalyse personnelle.

Plus qu’une qualité, je pense donc qu’un bon départ est d’avoir une ou plusieurs questions qui serviront de boussole dans la pratique. Ces questions ne sont pas toujours clairement énoncées au début d’une pratique. Parfois elles surgissent lors d’un stage, se construisent au fil des rencontres avec la clinique. Je dirais qu’il faut au moins un intérêt pour quelque chose qui a trait à l’humain, mais un intérêt qui se situerait au-delà du simple plaisir de partager, d’être ensemble. À cet égard, il y a une citation qui me parle:

On ressent plutôt chez les psychanalystes une proximité, une affinité, une sympathie avec ce qui est exclu ou raté, voire paumé. On trouve chez eux, comme disait Lacan, une marque… celle du rebut. (J.-A. Miller)