Le texte qui suit est la réduction (la consigne qui m’était donnée: une seule page!) d’un texte que j’ai écrit pour préparer le colloque bruxellois “Pipol 7 – Victimes !”, et qui était lui-même la réduction d’un article plus long et argumenté sur la psychopathie… Je mets en ligne ce précipité de réduction, avant de vous proposer les deux autres. 🙂

 

 

Méfions-nous !

 

La psychopathie peine aujourd’hui à être reconnue dans les classifications psychiatriques internationales. Mais ailleurs, ce diagnostic a le vent en poupe. Il est fréquemment utilisé dans le monde judiciaire et notamment dans les expertises psychiatriques. Rien de surprenant puisque la majorité des critères retenus relèvent des registres policier (« Comportement antisocial, commet des délits, ne respecte pas les conditions de libération ») et de la morale (« Sujet sur qui on ne peut compter, comportement fantaisiste et peu attirant sous l’emprise de l’alcool (!), hypocrisie, égocentrisme »).

Le psychopathe est ainsi régulièrement décris comme un être faux qui cache les pires défauts sous un « masque de normalité ». Comme me disait récemment un intervenant « Attention avec celui-là, j’ai lu dans le rapport que c’était un psychopathe, ça a l’air d’aller mais en fait, il vous manipule ! » La question « Est-ce que je me fais avoir ? » et son corollaire « Je ne vais pas me laisser faire ! » viennent se substituer au questionnement clinique : « Qu’est-ce qui se joue réellement pour le sujet ? »

 

 

Psychopathe ou victime de psychopathe : choisis ton camp !

 

Le psychiatre Robert Hare, qui a popularisé le diagnostic, s’est basé sur une première expérience traumatique pour construire la figure d’un Autre manipulateur dont on ne se méfie jamais assez. Victime du chantage d’un patient rencontré au pénitencier de Vancouver, il a œuvré à ce qu’on se sente, comme lui, victime potentielle de ce coupable idéal.

Après avoir créé plusieurs outils diagnostics (dont le célèbre Psychopathy Checklist-Revisited), il élargit son champ d’investigation aux « psychopathes sub-criminels ». En effet, nul besoin d’aller en prison pour trouver des personnes supposées malveillantes et trompeuses. Et si votre patron, votre collègue, votre conjoint étaient eux-aussi des psychopathes ?

Hare contribua à diffuser la méfiance dans le champ social avec des ouvrages comme « Sans conscience, le monde inquiétant des psychopathes parmi nous » et « Les serpents en costume : les psychopathes au travail ». Un questionnaire, le B-scan 360, est même proposé aux professionnels des ressources humaines pour détecter les employés porteurs de ce trouble.

Et cela va loin : dernièrement, un chercheur qui étudiait les cerveaux de psychopathes s’est découvert psychopathe à son insu ! Il s’aperçut en effet qu’un des scans typique du psychopathe était en fait le sien, glissé par erreur dans ses échantillons !

psychopathes-books

 

Vous en reprendrez bien encore un peu ?

 

Le terme fait également florès dans le monde médiatique. Un certain nombre de titres de presse en font leur délice : « Démasquer un psychopathe juste en bâillant ? » (Le Soir) ; « Les traders seraient plus fous que les psychopathes » (Le Figaro) ; « Messieurs, vos selfies révèlent le psychopathe qui est en vous ! » (Le Figaro Santé), Votre enfant est-il un psychopathe ? (7sur7).

Et que dire du cinéma, où les tueurs dits psychopathes ne se lassent pas d’alimenter notre imaginaire. Récemment, le psychiatre belge Samuel Leistedt a analysé 126 films qui dressent le portrait de supposés psychopathes pour vérifier lesquels sont les plus réalistes.

Vraiment, ce psychopâte nous est servi à toutes les sauces !

 

Recette du psychopathe bolognaise