PIPOL 8 est le nom d’un Congrès Européen de psychanalyse qui aura lieu les 1er et 2 juillet 2017 à Bruxelles. Il s’annonce passionnant, alors n’hésitez pas à vous y inscrire !
Pour préparer cet événement, l’EuroFédération de psychanalyse s’est doté d’un blog (https://www.pipol8.eu/) dont la newsletter hebdomadaire répond au doux nom de My Way. Le 25ème numéro de My Way, paru hier, a été consacré à la rubrique du blog “Le délinquant ordinaire”.
À cette occasion, il m’a été demandé d’en signer l’édito. Je suis Monsieur-Délinquance, hein !
Voici cet édito. Vous trouverez juste après les sept textes présentés cette semaine.
La société des normes et ses criminels, par Jonathan Leroy
Selon l’aphorisme de Jacques-Alain Miller, « Rien n’est plus humain que le crime » [1]. Ce n’est pas un hasard si Freud a placé deux crimes mythiques aux fondements de la subjectivité : Œdipe et Totem et tabou. Pour autant, la psychanalyse n’élude pas « la relation dialectique qui lie le Crime à la Loi, en tant que celle-ci est à la fois normative (impératif catégorique) et contingente (loi positive) » [2].
Le groupe social est donc concerné. Béatriz Gonzalez-Renou et Romuald Hamon nous tracent les grandes lignes d’une société où le hors-la-norme et le hors-la-loi (outlaw) sont traqués dans une visée de surveillance, de transparence et, en fin de compte, de méfiance généralisée qui fait de chacun de ses membres un suspect présumé ou une victime potentielle. Par ailleurs, cette logique de surveillance se voit renforcée par la confrontation de cette société au programme de mort de Daesh – Yohan Trichet.
Une criminologie lacanienne s’en déduit : une clinique fine, continuiste, qui ne considère pas que le criminel relève d’une pathologie spécifique, ni ne se réduit au recours à la biologie ou au comportement prétendument typique d’une personnalité – l’ornière lombrosienne du criminel-né, relaté dans le texte de Romain-Pierre Renou. Il s’agit bien plutôt d’une clinique qui prend en compte les effets de seuil pour un sujet – Jacqueline Dhéret – et son savoir-y-faire avec les signifiants de l’Autre – Xavier Gomichon –, sans faire l’impasse sur l’opacité qui se trouve au cœur de l’acte criminel, et l’acte de juger aussi bien – Angélica Toro-Cardona. C’est la condition pour accueillir, quand elle vient à nous, « cette victime émouvante, évadée d’ailleurs irresponsable en rupture du ban qui voue l’homme moderne à la plus formidable galère sociale […] C’est à cet être de néant que notre tâche quotidienne est d’ouvrir à nouveau la voie de son sens dans une fraternité discrète à la mesure de laquelle nous sommes toujours trop inégaux » [3].
Que ce soit comme intervenant en prison ou en CPCT, comme éclaireur des modes de jouir contemporains et de la discorde des discours, le psychanalyste lacanien a à trouver la manière de s’adresser à l’Autre social pour montrer toute la pertinence d’une clinique hors-les-normes.
[1] Miller J.-A., « Rien n’est plus humain que le crime », Mental, no 21, 2008, pp. 7-14.
[2] Lacan J., « Intervention du 29 mai 1950 lors de la discussion des rapports théorique et clinique à la 13ème conférence des psychanalystes de langue française », Revue Française de Psychanalyse, janvier-mars 1951, tome XV, no 1, pp. 84-88.
[3] Lacan J., « L’agressivité en psychanalyse », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.124.
J’ai travaillé durant 12 ans comme psychologue dans un service d’aide aux détenus (prisons bruxelloises de Forest, Saint-Gilles et Berckendael), aux ex-détenus (libération sous conditions, bracelet électronique, congés pénitentiaires, etc.) et à leurs proches.
J’ai créé ce blog pour rendre compte de ce que j’ai appris de ma rencontre avec les prisonniers.
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